Nous le savons, l’anglais est désormais omniprésent dans notre quotidien et nous avons vu il y a quelques semaines de cela que notre pays œuvrait avec acharnement à la défense de la langue nationale. Nous avons été surpris de voir qu’une telle résistance, dans des proportions moindres, commence à s’organiser chez nos voisins allemands.
La société allemande de chemins de fer, Deuthsch Bahn, a décidé de rayer certains termes anglais de sa communication interne et externe. C’est ainsi que vont disparaître des mots comme « flyers, hotline, counter » pour n’en citer que quelques-uns. Cette mesure va de pair avec la publication, à l’adresse des employés, d’un glossaire contenant 2200 anglicismes suivis de leur explication en allemand. Ce document recommande également l’utilisation de termes allemands au profit d’une utilisation anglophone. Dans sa stratégie d’internationalisation, l’entreprise ferroviaire semble être allée un peu loin à tel point que son ex-PDG, Hartmut Mehdorn, avait été désigné « fraudeur linguistique de l’année 2007 ». Par ailleurs, la société avait déjà reçu une plainte des habitants d’une petite ville bavaroise déplorant l’appellation « Kiss and Ride » d’un parking qui serait l’équivalent en français du dépose-minute.
Les Allemands utilisent peut-être de manière plus spontanée des mots d’origine anglaise en raison du lien de parenté existant entre les deux langues. En effet, elles appartiennent toutes les deux à la famille germanique et présentent en ce sens plusieurs ressemblances. La plus évidente est probablement le positionnement de l’accent tonique sur la première syllabe ou encore le « h » aspiré. En ce qui concerne la composition de certaines expressions, on remarque chez les deux cousines la présence de verbes à particule (« stand up » -> « stef auf ») et l’absence de déterminants devant des généralités. Mais les deux langues possèdent des similitudes encore plus frappantes, frôlant l’homonymie :
- Milk -> Milch
- Man -> Mann
- Garden -> garten
L’emploi de termes anglais dans la langue allemande connut un véritable essor à l’issue de la Seconde guerre mondiale sous l’occupation américaine avec des termes se rapportant aux réalités de l’époque, tels que CARE : Cooperative for American Remittances to Europe, DP : Displaced Person[s], GYA : German Youth Activities, ERP : European Recovery Program, etc. Avez-vous déjà entendu parler de « shitstorm » ? Il s’agit du dernier anglicisme en date et introduit dans le célèbre dictionnaire Duden et désignant des contestations populaires généralement lancées sur la toile. Il arrive parfois que ces termes anglais connaissent un glissement de sens une fois retranscrits dans la langue de Goethe. C’est notamment le cas du mot « handy » qui, en anglais, revêt une fonction d’adjectif et se rapporte à quelque chose de pratique, facile à manier… les Allemands l’utilisent pour parler d’un téléphone mobile. Ce phénomène pose de véritables problèmes de confusion notamment lors du processus de traduction. En effet, l’auteur allemand ayant recours à un terme anglais se réfère-t-il au même concept qu’un locuteur anglais ? Quelle est la nuance ? Le traducteur doit donc être extrêmement attentif lors de la traduction depuis l’allemand.
Il convient enfin de noter que cette tendance ne concerne pas seulement les mots simples mais également des tournures de phrase : « Der frühe Vogel, der den Wurm fängt » -> « The early bird, that catches the worm » ou encore « in 2007 » au lieu de « im Jahr 2007 ».