Il serait intéressant de demander au patron des traducteurs, ce bon vieux Saint Jérôme, ce qu’il pense du traducteur moderne, quelle serait sa réponse ? Il serait certainement surpris de voir comment cette profession a évolué au fil des siècles. Oui, le traducteur a bel et bien changé et son travail s’intègre à de nouvelles professions. Faisons le point sur la question…
Nous vivons à l’heure de la mondialisation des échanges, qu’ils soient professionnels, commerciaux, ou personnels ; grâce à l’expansion d’Internet et à l’apparition de nouveaux outils informatiques, il est facile de communiquer avec le monde entier. Cette évolution a influé sur le profil du traducteur dont les missions s’avèrent être connexes avec de nouvelles professions qu’il est possible de diviser en deux catégories : celles liées à la technologie et celles que l’on rattache à la dimension interculturelle.
Au fil des siècles, les traducteurs ont effectué leur travail sur de nombreux supports, à commencer par la pierre, l’argile (plus facile à transporter), le bois, puis sur le papier avec l’invention de l’imprimerie en 1450 par Gutenberg ; l’émergence du numérique a constitué une véritable révolution dans le monde de la traduction : on peut désormais conférer un style, une mise en forme personnalisable comme bon nous semble et créer ainsi des documents dont l’apparence suscitera l’intérêt du lecteur : ce travail est confié à un opérateur de Publication Assistée par Ordinateur (PAO). Ce professionnel possède une grande maîtrise des logiciels d’écriture et de graphisme permettant ainsi de préparer des documents écrits contenant éventuellement des images et destinés à l’impression.
La traduction a également dû faire face à l’arrivée de la traduction automatique. En effet, la rapidité avec laquelle les entreprises ont besoin de communiquer nécessite l’utilisation de systèmes à même de traduire rapidement, de manière quasi-instantanée. En raison de la mauvaise qualité des résultats de la « traduction-machine », l’intervention humaine s’avère bel et bien nécessaire, et c’est là qu’entre en jeu le post-éditeur. Celui-ci doit corriger les éventuelles fautes de grammaire, d’orthographe… et procéder à un remaniement de la phrase de sorte à ce qu’elle soit plus naturelle, plus compréhensible et donc plus facile à lire.
Aujourd’hui, tout le monde parle de la diversité culturelle : cette vérité ne peut être ignorée dans un monde où les personnes se déplacent facilement, déménagent d’un pays à l’autre.
Cet aspect pose toutefois de réels problèmes ; en effet, pour le célèbre anthropologue Geert Hofstede, la culture influe sur la manière de penser l’espace, le temps et les relations interpersonnelles. Afin de résoudre ces problèmes, les entreprises ou institutions internationales font souvent appel à des spécialistes en management interculturel pour intervenir dans le cadre de la préparation d’une réunion entre plusieurs nationalités (analyse gestuelle, comportementale…), de la traduction d’un site Internet ou d’un logiciel pour adapter le contenu à la population locale visée. Ils peuvent également mettre leur expertise au service d’entreprises cultivant la diversité culturelle en intervenant en tant que consultant pour donner des conseils utiles à la gestion de la structure. Ils jouent un rôle important à ne pas négliger.
En effet, sur la question de la hiérarchie par exemple, les sociétés n’adoptent pas toutes le même comportement : lorsqu’aux États-Unis, le manager est considéré comme un collaborateur, dans les pays latins, la personne la plus haut placée est distante de son personnel, une tendance très certainement héritée de l’Empereur romain qui était au-dessus des lois et affichait une autorité absolue.
En ce qui concerne la notion du temps, certains pays comme l’Afrique n’y accordent qu’une importance moindre, contrairement à d’autres pays qui considèrent que « le temps, c’est de l’argent ».
Lors d’une négociation avec un partenaire étranger, il est important de savoir quels sont les gestes à privilégier et ceux à proscrire. En Asie, par exemple, il est déconseillé de regarder quelqu’un droit dans les yeux. Il est également primordial de connaître le rapport que le pays en question développe à l’égard du travail. Au Mexique, il n’est pas rare que votre homologue vous invite à prendre un repas chez lui, dans son ranch alors que de nombreux pays tendent à ne jamais allier vie professionnelle et vie privée.
Enfin, d’après l’anthropologue américain Edward T Hall, il existerait des sociétés dont la communication serait caractérisée par un contexte fort ; c’est notamment le cas des pays latins, arabes, africains qui utilisent souvent des sous-entendus ou intègrent dans une conversation des éléments qui ne sont pas nécessairement utiles dans le cadre de la conversation, par opposition à la communication à contexte faible que l’on retrouve par exemple chez nos voisins allemands qui concentrent toujours l’essentiel dans leurs communications.
La mondialisation a également vu l’apparition d’un nouveau métier : la veille multilingue. Il s’agit d’une « activité de suivi informationnel effectuée simultanément en deux ou plusieurs langues et visant l’enrichissement des résultats de la recherche documentaire par une diversification linguistique des sources » (Mathieu Guidère, Traduction et Veille stratégique multilingue). L’expression « veille multilingue » est souvent suivie de l’adjectif « stratégique » en ce que cette activité permet à l’entreprise de prendre les bonnes décisions, en fonction de ce qui se passe ailleurs dans le monde.
La veille multilingue peut parfois s’effectuer dans une seule langue mais afin d’être efficace et de se faire une place dans cet environnement mondialisé, il ne faut pas se limiter aux frontières nationales.
Le traducteur-veilleur a recours à des outils sophistiqués et met en pratique ses compétences en recherche et sélection des informations pertinentes. Ce communicateur multilingue rédige des rapports de veille, des notes d’alerte, notes de synthèse sur plusieurs produits concurrents à ceux de l’entreprise, des fiches d’audit ou encore des profils multilingues d’entreprise.