Notre blog qui est dédié à la traduction sous toutes ses formes n’a jusque là accordé qu’une faible importance à la traduction audio/vidéo. C’est pourquoi nous avons décidé d’écrire un billet sur la traduction pour le septième art qui nous offre tantôt des titres parfaitement bien trouvés tantôt des titres qui laissent à désirer ou qui sont en contradiction avec le contenu du film.
Alors que pour nos grands-parents, les chances de visionner un film américain, espagnol, italien étaient infimes, les spectateurs d’aujourd’hui peuvent regarder un film d’origine étrangère dans leur propre langue et cela grâce au merveilleux travail du traducteur. Avant d’en arriver là, avant d’exporter un film, il est primordial de trouver un titre accrocheur qui parlera au public cible et qui annoncera le scénario. Étant destiné à un public étranger, le titre doit, dans la mesure du possible, être traduit dans la langue d’arrivée, ce qui n’est pas sans poser de problèmes. En effet, les titres anglo-saxons ont tendance à être très courts et la traduction nécessite parfois des rallonges qui nuisent à l’effet marketing recherché. Dans ce cas, il est possible de rester sur l’anglais si l’on considère que le titre sera compris par la plupart du public auquel il s’adresse. Fast and Furious par exemple est un titre tout à fait acceptable en français compte tenu que le public cible est sans doute habitué à voir ces deux mots dans des jeux vidéos dans lesquels il est question de courses de voiture, thème essentiel du film. De surcroît, la prononciation de l’expression Fast and Furious est plus rapide que « Rapide et Dangereux » (comme cela a été traduit au Québec) avec l’allitération en « r » qui donne une impression de ralentissement contrairement au message que souhaite faire passer le titre anglo-saxon.
Voyons à présent quelques films dont le titre traduit en plusieurs langues affiche un décalage avec le contenu même du film.
Savez-vous comment nos amis transalpins ont traduit le célèbre film de Sofia Coppola Lost in Translation ? L’amore tradotto (amour traduit) qui pose un léger problème en ce que le film porte sur l’incapacité de traduire les sentiments, ce titre se place donc en opposition avec le thème de l’œuvre… che peccato! (comme on dit en Italie). Toujours en restant du côté de la botte, le film I love you Philip Morris qui aborde l’homosexualité a été traduit avec le titre suivant : Colpo di fulmine: il mago della truffa (coup de foudre : le magicien de l’arnaque) ; en lisant uniquement le titre, impossible pour le lecteur de savoir de quoi le film parlera. En Espagne, on a opté pour une solution beaucoup plus simple avec ¡Te quiero! et avec Una pareja dispareja (un couple bizarre) en Amérique Latine. Du côté français, nous n’avons pas de quoi être particulièrement fiers. En effet, si je vous dis « un mariage à l’anglaise », vous vous attendez probablement à voir un film sur une tradition typiquement anglaise ou peut-être, par analogie à l’expression « filer à l’anglaise », à un mariage ou le ou la mariée ne parvient pas à arriver jusqu’à l’hôtel ou disparaît au beau milieu de la cérémonie, et bien détrompez-vous. Ce n’est que la traduction du film I give it a year dans lequel on voit deux jeunes mariés se démener pour prouver à leur entourage que leur mariage peut durer plus d’un an.
Comment parler de titres de films « bizarres » sans parler des films kung-fu qui sont arrivés en France dans les années 1970. À l’époque, ce genre cinématographique n’était pas vraiment pris au sérieux et donnait souvent lieu à un exercice caricatural. Ainsi, on a pu assister au titre « Il faut battre le Chinois pendant qu’il est chaud » réalisé par Chang Cheh dans lequel deux frères doivent affronter le milieu de la mafia japonaise en usant de leur art du karaté. Comparer le fer à un Chinois semble quelque peu péjoratif et donne l’idée qu’il faut le battre physiquement pour qu’il se forme ! Un autre exemple : le film The Blind Boxer sorti en 1972 raconte l’histoire d’un père aveugle qui enseigne le karaté à un groupe d’étudiants selon une technique parfaite. Le résultat en français a donné « Ça branle dans les bambous » : si vous avez une explication logique à cette traduction, n’hésitez pas à nous la communiquer !
Mais soyons honnêtes, les titres de film ne sont pas toujours mauvais ! Certains offrent une version différente. C’est notamment le cas du film The Help dans lequel trois amies domestiques se lient d’amitié avec une journaliste pour dénoncer les mauvaises pratiques de leurs employeurs blancs. Il va de soi que « L’aide » ne sonnerait pas très bien en français et le traducteur a en effet opté pour une autre solution : « La couleur des sentiments », ce qui reporte l’attention sur les sentiments qui y sont exposés et moins sur l’entraide. En espagnol, le titre a été rendu avec Criadas y senoras qui insiste davantage sur la séparation entre ces deux mondes, celui des domestiques noires et celui des Blancs.
Un autre film intéressant du point de vue traductologique est The Hangover qui signifie littéralement « gueule de bois », ce qui passerait plutôt mal pour un titre de film. En italien, cela a été rendu avec Una notte da leoni qui renvoie à la débandade la plus absolue dont il est question dans le film alors qu’en espagnol, on a choisi de rester fidèle à l’original et d’ajouter le nom de la ville : Resacón en Las Vegas, en Amérique Latine, vous le trouverez sous le nom suivant ¿Qué pasó ayer?, la question que l’on se pose généralement le lendemain d’une soirée bien arrosée. Le choix français est lui aussi très intéressant : faute de trouver une expression française satisfaisante, on a eu de nouveau recours à l’anglais avec une connotation toutefois française : Very Bad Trip où le dernier mot peut être entendu comme une mauvaise expérience provoquée par la prise de drogues hallucinogènes. Enfin, en France et en Espagne, le dessin animé Despicable me souligne davantage le côté attendrissant du personnage avec les titres respectifs « Moi, moche et méchant » et Gru, mi villano preferito.
Et pour finir, nous avons souhaité parler de la situation québécoise, province du Canada dans laquelle la traduction est un impératif, y compris dans le domaine artistique. Malheureusement, dans un objectif de traduction totale, la fidélité prime souvent le style et donne des titres qui laissent à désirer. En voici quelques exemples :
Pulp fiction -> Fiction pulpeuse
Inglorious Basterds -> Commando des Bâtards
Grease -> Brillantine
Bad teacher -> sale prof
The Nutty Professor -> Nigaud de professeur
N’hésitez pas à nous communiquer d’autres titres de films qui vont ont amusé, choqué, attristé ou que vous avez particulièrement apprécié !