Vous connaissez ce jeu, le tir à la corde, qui oppose deux équipes ? Chaque équipe tient un bout de la corde et celle qui tirera l’autre de son côté remportera la partie. C’est un peu la vision que j’ai de l’anglais et du français. En France, qui de l’anglais ou du français va l’emporter ? Le français veut toujours emprunter le moins de mots possible à l’anglais. Pourtant ces dernières années, les dictionnaires français ont ajouté de nombreux néologismes, et les plus fréquents sont des emprunts d’outre-Manche, voire d’outre-Atlantique.
Pour écrire cet article, j’ai commencé par googliser les néologismes les plus récents dans la langue française. Je suis allée sur des blogs pour voir quels sont les néologismes qui ont fait le buzz ces deux ou trois dernières années. Et mon premier constat est assez drôle. D’abord, on peut voir que, même si la langue française emprunte parcimonieusement à l’anglais depuis très longtemps, aujourd’hui l’anglais arrive comme un raz-de-marée sur le français : slash, blog, smoothie, hashtag, twitter, cupcake, boguer, street art, customiser, etc. On remarque aussi que les vocables anglais s’imposent dans certains domaines bien spécifiques, particulièrement pour Internet, l’informatique et les nouvelles technologies (switcher, geek, post, follower, downloader, screenshot, playlist, rebooter, etc.).
D’un autre côté, on observe que la langue française, fidèle à elle-même, tente le branle-bas de combat en proposant ses propres néologismes pour contrer l’arrivée massive des termes anglais. Certains néologismes proposés au cours des deux ou trois dernières décennies pour contrer l’anglais se sont bien implantés : ordinateur portable pour laptop, souris pour mouse par exemple (ces mots sont souvent utilisés en anglais dans des pays non anglophones tels que l’Italie ou la Pologne par exemple), ou encore baladeur pour walkman, logiciel pour software. En revanche, d’autre néologismes proposés ont fait chou blanc ou presque. À titre d’exemple : parc/aire de stationnement pour parking, pipolisation (dérivé de l’anglicisme pipole, donc people), mercatique pour marketing, travail d’influence pour lobby, retour en arrière pour flash-back, etc. À tort ou à raison, le français à tendance à être très pointilleux.
Toutefois, le grand paradoxe de la langue de Molière est d’avoir laissé fleurir tout un jargon d’anglicismes ou simplement de mots anglais, en particulier dans le monde des affaires, du commerce et du marketing. En effet, aujourd’hui dans une entreprise française, on peut entendre très fréquemment des mots tels que : solutionner, impacter, prioriser – qui sont clairement de calques de l’anglais. Même si l’anglais est une langue qui me passionne et que j’affectionne particulièrement, je trouve ces constructions abusives et inutiles. Pourquoi ne pas utiliser résoudre, influencer ou privilégier ou toute autre locution plus idiomatique ?
L’anglais est une langue tout à fait différente du français mais tout aussi belle. Mais, si l’on mélange immodérément les deux et qu’on entend des phrases telles que : «On va faire un confcall pour briefer les équipes sur le workflow même si on est un peu just sur la deadline », j’ai l’impression qu’on est en train d’émietter ma langue maternelle et qu’on la rafistole avec des morceaux de matières différentes.
Tout porte à croire que ces luttes linguistiques entre le français et l’anglais qui ont lieu dans la langue française ne sont pas près de finir. Indéniablement, comme toutes les langues du monde, la langue française doit évoluer. L’évolution d’une langue suit l’évolution d’une société, d’une culture. Cependant, pour citer Fellini, une langue représente une vision différente de la vie. Aussi, peut-être faut-il simplement trouver un juste milieu pour pouvoir accepter les influences linguistiques d’autres langues dans la langue française, tout en prenant garde à préserver l’intégrité de cette même langue ?